Bien des siècles avant la formation de son village, le territoire de Méounes, ainsi que toute la région environnante, était défriché par les Commoni, peuplade ligurienne de l'histoire ancienne qui se montre pleine d'ardeur "a briser les rochers et à élever des murailles" pour établir des terrains de culture. Les trouvailles que nous fîmes récemment à Evenos et au Petit Cerveau de la commune de Sanary, nous portent à croire que ces premiers habitants de l'âge de bronze avaient connu l'époque néolithique, puisqu'ils usèrent largement d'outils de pierre et continuèrent même, au moins sur certains points, à utiliser des grottes. C'est probablement à leur industrie que nous devons la petite hache en serpentine, d'une finesse rare, que nous recueillîmes au quartier de la Bataillère, non loin d'une petite caverne dont l'entrée rétrécie par une muraille en pierres sèches, dénote qu'elle servit d'habitation aux premiers exploitants agricoles des terrains en berceau des alentours de la ferme de Colombaud.
Disons tout de suite, pour n'avoir pas à y revenir, que nous visitâmes vers la même époque plusieurs autres grottes situées sur le territoire communal ou non loin de ses confins, toutes portant à l'intérieur ou à l'extérieur des traces bien marquées d'aménagements du quartier de la tête de Julhians formant comme une profonde poche rocheuse fortement inclinée, d'une longueur d'environ 15 mètres, avec une issue fermée par un carré de muraille, débris probablement d'un jas, les deux du petit Agnis dont l'une au quartier Bigarrats propriété Venel servit de refuge durant le temps de la révolution et l'autre située un peu plus à l'est à 150 mètres de la bastide Roubaud direction du midi plus spacieuse, son entrée s'ouvrant sur une espèce de terrasse soutenue par des murs à gros blocs. Les débris que cette époque a laissé sur le sol de Méounes sont plus caractéristiques : fragments de meule en basalte, d'amphores à fond conique, de dolium à pâte grenue, de tuiles à rebord, de vaisselle samienne, monnaie et pierre sacrée (période gallo-romaine).
Voici les points du terroir communal sur lesquels nous avons relevé des vestiges que l'on peut faire remonter sans crainte d'erreur au-delà du Vème siècle de notre ère. C'est d'abord à l'emplacement du vieux village. Nous remarquâmes parmi les ruines médiévales quelques tessons de tegulac, preuve que cet endroit avait au moins une demeure. Par contre un peu plus bas à quelques mètres de la chapelle Saint Michel le sol transformé en restanque porte toute la gamme de la céramique gallo-romaine ainsi qu'une partie du mur en petits moellons placés en assise régulière de l'antique villa, on aperçoit non loin de là sur les bords d'une muraille une énorme table de pressoir munie de ses deux queues d'aronde de fixage. L'habitation qui nous a laissé ces traces avait certainement de l'importance et sa situation bien exposée au midi nous permet de la considérer comme maîtresse de la vallée du cros d'or, ou elle ensevelissait ses morts, et de celle de Beaumarran. Nous découvrîmes en outre des débris de tuiles à rebords près de la daumasse au lieu dit le Cros et à Truebis devant l'encol même qui se trouve devant la ferme en ruine.
Cette dernière station qui avait alors ses sources il est vrai, mais dont le terrain particulièrement rocheux est plus pauvre, nous révèle l'utilisation intense du pas qui porte son nom et permettait aux habitants de la région, c'est-à-dire de la Roquebrussanne, Méounes et Néoules de franchir la longue barre de rochers qui entoure aux trois quarts la commune de ce dernier village pour se rendre vers le littoral. La transhumance y avait là un moyen pour dénombrer les bestiaux (un comptadour) peu ordinaire. La butte située en face de son débouché sur le plateau semble porter les traces d'une petite enceinte, peut-être chargée de la défendre.
La vallée du Gapeau était alors impraticable sur certains points au moins et pour se rendre du territoire de Belgentier à celui de Méounes il n'y avait pas d'autre chemin que le sentier, qui de Pachoquin montait directement à Planeselves, traversait le plateau jusqu'à son milieu, descendait à Boumarand et se dirigeait vers le vieux village à la station gallo-romaine de Cros de l'homme ou en plus des tessons ordinaires nous avons constaté plusieurs fragments de poterie ancienne en usage seulement dans la première moitié de l'empire. Au dessous de ce point s'échelonnent plusieurs restanques dont la dernière surplombe un petit lac, sorte de grand cratère de 30 mètres environ de diamètre s'ouvrant dans un sol ferrugineux et conservant toute l'année une eau de plusieurs mètres de profondeur.
Une charte de Montrieux de 1223 cite à l'est du quartier de la Bataillère, le puy ferrier; or dans les environs de la ferme de Colombaud, une couche de terrain semble avoir toutes les propriétés du fer, le lac en question ne serait-t-il pas un ancien puits d'extraction, que les eaux auraient envahi? Une autre habitation gallo-romaine se trouvait au quartier appelé Cros de l'Estang, ou nous avons remarqué des débris de tuiles à rebord à coté de la maison de campagne Florens. La notice sur le monastère de Montrieux par le comte de Villeneuve-Flayosc signale, que lors de la fondation du nouveau cloître sur la terre de Vidil en 1140, on détruisit plusieurs vieilles substructions, il est probable qu'il y avait là, à proximité des belles sources sortant du flanc de la montagne, une villa des premiers siècles qui exploitait tous les terrains des rives du Gapeau. La grossière poterie gallo-romaine marque également le col par ou passe le vieux chemin de Méounes les Montrieux après avoir traversé la verte plaine des "Naysses".
Mais les vestiges les plus nombreux, en même temps que les plus caractéristiques, sont ceux qui jonchent littéralement le sol du Collet de St Lazare et de ses pentes. Cette station découverte par le colonel de Poitevin de Maureillan, qui en fit l'objet d'une communication à la Société archéologique de Provence, livra aux fouilles pratiquées sous nos yeux, une quantité énorme de dolium et de tuiles à rebords. Peu de temps après nous avions la bonne fortune de découvrir non loin d'une vieille muraille soutenue par des contreforts, les restes de l'antique villa, un autel païen dédié à Jupiter, presqu'entièrement noyés dans la maçonnerie d'un cabanon appartenant à Mr Davin. Nous devinâmes vite l'intérêt qu'il pouvait offrir et c'est grâce à la générosité de son propriétaire et concours dévoué de Mr l'abbé Arnaud alors curé, et de Mr P. Roubaud, qui voulut bien mettre à notre disposition ses hommes et son attelage de plusieurs chevaux, que cette pièce d'une demi-tonne fut extraite de l'endroit et portée à l'église paroissiale.
Seule la première ligne de l'inscription qui en avait quatre est conservée. On y lit I.O.V.I (à jupiter) en lettres de g ieme le reste est efface par l'usure. Plusieurs caractères particuliers de la chapelle en ruine qui couronne le petit mamelon semble nous autoriser à penser que ce petit sanctuaire païen ne se trouvait pas ailleurs. En effet l'exiguïté de l'emplacement sur lequel elle est bâtie, la consolidation de ses murs soutenus par quatre arceaux, l'absence d'abside sont autant de raisons qui nous montrent chez ceux qui l'édifièrent, la préoccupation de christianiser ce lieu profané par le culte des idoles et envers lesquelles les habitants nouvellement convertis conservaient de la vénération. La constatation de ces huit villas gallo-romaines disséminées sur les points les plus écartés de ce qui devait par la suite former la commune de Méounes, éclaire d'un jour singulier cette époque reculée de notre histoire en nous indiquant bien nettement qu'il n'y avait pas encore de vrai village, c'est à dire d'agglomération de foyers ou, dans la formation de nouveaux liens sociaux, devait s'élaborer plus tard les premières libertés communales.
Ce n'est qu'au Xème siècle, en l'année 965 qu'une charte des bénédictins de St Victor cite pour la première fois le nom de Melna. Le lieu désigné par cette appellation parait ne pas avoir plus d'importance que celle d'une villa très ordinaire puisque dans la donation dont elle est l'objet de la part de l'évêque de Marseille, Honorat elle dépend de Fioussac, grand domaine situé près de la Roquebrussanne, et est de plus assimilée à la pauvre station de Truebis. Ce nom de Melno ou Melna viendrait-il de celui que portait le propriétaire ou bien celui d'un petit sanctuaire dédié à la déesse Mellona sous la protection de laquelle le monde païen plaçait les mouches à miel, ou encore de mellina, la boisson préférée des gaulois que nous appelons hydromel, ce sont là autant d'hypothèses étymologiques qui peuvent être vraisemblablement soutenues quand bien même il nous soit impossible de préciser la date exacte à laquelle le vieux Méounes fut constitué. Certains indices nous permettent de conjecturer l'époque à peu près, ou il sortit de sa lente et laborieuse élaboration.
En effet d'après le cartulaire de Montrieux, qui cite le castellum de Malena en 1175, à propos d'une affaire ou il est question de "l'université des hommes" du terroir seigneurial et non de la communauté, le regroupement de la population autour du château ne parait pas encore être complètement terminé. D'autre part, c'est parce qu'il est devenu un fait acquis, en 1219, qu'un certain Rostan-Delmas, novice de la chartreuse dans un testament fait en faveur du monastère recommande à celle qui fût sa femme Béatrix d'acquitter son legs pour la construction de l'église de Notre Dame de Méounes.
A partir de ce jour, la chapelle Saint Lazare qui jusqu'ici avait servi d'église paroissiale, se vit de plus en plus abandonnée, mais non cependant jusqu'à l'oubli. Les habitants gardèrent toujours pour le vieux sanctuaire qui fut le berceau de leur foi, le souvenir le plus reconnaissant et ne se lassèrent jamais de célébrer chaque année la fête de son titulaire toujours avec le même éclat.
Cette lenteur que la population du terroir mit à venir se mettre sous la protection des murailles du castellum peut nous paraître surprenante et cependant elle répond bien au caractère de ceux qui furent ses maîtres.
Les évêques de Marseille, seigneurs du lieu et de toute la région se montrèrent toujours plus débonnaires envers leurs sujets, qui profitèrent naturellement pour exécuter sans hâte des mesures, dont la sévérité eut été très certainement toute autre avec des propriétaires féodaux d'esprit plus intéressé et plus belliqueux.